L'œuvre
commune du scénariste William Ritt et du dessinateur
Clarence Gray est vaste et il est bien rare qu'elle
ne touche pas au fantastique ou à la science-fiction.
Le "Voyage dans la pièce de monnaie" n'est
pas une nouveauté en matière de science-fiction ou de
fantastique et sans vouloir remonter à cette fantaisie
du non-sens qu'est "Alice au Pays des Merveilles",
il n'est que de citer le "Voyage chez les microbes"
de Maurice Renard, dont le titre vient aussitôt à l'esprit
pour trouver une référence. Mais ici, Clarence Gray
est allé plus loin que le monde des microbes, il a poussé
jusqu'au monde atomique et même subatomique.
Le
scénariste est parti de la conception de l'atome telle
que l'avait posée le physicien anglais Rutherford. Certes,
en 1937, cette conception était déjà dépassée depuis
les travaux et les théories du danois Niels Bohr datant
de 1919, mais l'image en était restée vivace dans les
esprits et se prêtait magnifiquement à une exploitation
romanesque. Il s'agit de l'atome vu comme un système
solaire en miniature avec son soleil-proton et ses planètes-électrons.
Rien ne pouvait alors empêcher de concevoir que sur
ces planètes de l'infiniment petit une vie avait pu
apparaître et même une vie intelligente. C'était là
le schéma qu'offrait déjà la philosophie antique et
que Pascal a évoqué avec un génie magistral dans ses
"Pensées" sur les deux infinis.
Restait
à trouver le moyen d'explorer cet univers subatomique.
W. Ritt a profité d'une possibilité que lui laissait
l'état de la science en 1937. La table des éléments
de Mendéléieff comportait alors des "trous"
(comblés de nos jours). Le scénariste a donc inventé
un métal inconnu à cette époque, l'élément 85 (l'Astate
actuel) et l'a baptisé "Kopakium" du nom de
son inventeur en lui accordant la propriété de rapetisser
les objets. Ainsi un générateur à élément 85 allait
permettre à Brick Bradford, à Kala Kopak et à Beryl
Salisbury de se réduire à une taille infiniment petite
et de pouvoir alors explorer le monde subatomique d'un
atome de cuivre d'une pièce de monnaie en bronze.
Avec
le Robot Géant ce n'est qu'une simple anticipation scientifique
et technique qui ne dépasse pas les possibilités techniques
de notre époque. Cela serait banal sans le talent de
Clarence Gray. Sa réussite est entière et la séquence
où le titan d'acier se silhouette sur le disque de la
lune est ineffaçable de l'esprit de ceux qui ont lu
l'épisode en 1940. Il faut ajouter que W. Ritt a opposé
Kopak, "dieu" du bien aux forces du mal et
l'on retrouve ce manichéisme dans toute son œuvre avec
un sommet métaphysique dans "Brick Bradford au
cœur de la terre" lors du duel entre Bradford symbolisant
le bon Huitzilipotchli et le sombre Tezcatlipoca, dieu
des ténèbres et de la destruction.
Extrait
de la préface du volume 1 de Brick Badford signé E.
François
L'Exploration
de l'atome
: bandes quotidiennes du 8 février 1937 au 7 janvier
1938. En France, Robinson n° 75 (3 octobre 1937) au
n° 132 (8 novembre 1938).
Le
Robot Géant
: bandes quotidiennes du 13 février 1939 au 16 mars
1940. En France, Robinson n° 194 (14 janvier 1940) au
n° 256 (6 juillet 1941).
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